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Brahim
SENOUCI http://brahim-senouci.over-blog.com/ Lundi 18 mai 2009 Pourquoi boycotter Israël ? Cela fait donc 61 ans qu’Israël piétine délibérément le droit
international, sans encourir d’autre sanction que celle d’un discours
occidental vaguement embarrassé, renvoyant dos à dos les
"protagonistes" du conflit. Voilà un pays qui a pu, qui peut,
conduire de manière méthodique une politique fondée sur l’annihilation d’un
peuple, non pas son anéantissement physique, brutal et massif, bien sûr, mais
une politique tendant à rejeter la Nation palestinienne dans les limbes en
détruisant méthodiquement ses constituants potentiels : sa mémoire, ses
vergers, son fichier cadastral, ses leaders, son économie, sans subir le
moindre désagrément en retour. Cette politique a été qualifiée de
"génocide rampant" par feue Tanya Reinhardt, expression que reprend
à son compte, après l’avoir réfutée pour sa "trop grande force", le
militant anticolonialiste israélien Michel Warschawski. Le sociologue
israélien Baruch Mimmerling parle de « politicide ». Son homologue
palestinien Salah Abdeljawad préfère l’appeler « sociocide ». Alain
Joxe propose le mot "démocide", destruction d’un peuple et d’une
démocratie, à propos de l’attaque sur Gaza de décembre 2008-janvier 2009. Il
s’appuie sur les faits de destructions d’industries, de centrales de
production d’électricité et d’eau, de larges zones agricoles, mais aussi de
la destruction symbolique d’enclaves onusiennes, hôpitaux et écoles, pour
montrer que l’objectif de cette attaque n’était pas de réduire au silence les
lance-roquettes du Hamas mais s’inscrit bel et bien dans le cadre de cette
politique délibérée d’étouffement de la Nation palestinienne. En fait, la première phrase de ce texte n’est pas tout à fait exacte.
Israël subit effectivement des sanctions. Ainsi, en 1999, il obtient de
l’Union Européenne la signature d’un accord d’association qui lui permet de
bénéficier d’un grand nombre d’avantages normalement dévolus aux Etats
membres de l’Union. En 2002, le Parlement Européen vote à 60 % la suspension
de cet accord, au motif qu’Israël contrevient à son article 2 qui contraint
les signataires à un strict respect des droits de l’Homme. Cette résolution
n’a jamais été appliquée, la Commission Européenne, c’est-à-dire les Etats de
l’Europe, ayant choisi de l’ignorer. Le sinistre Georges W. Bush, dans une
néo déclaration Balfour, avait en son temps déclaré qu’un accord
israélo-palestinien devait prendre en compte les réalités du terrain,
autrement dit avaliser l’existence des colonies et leur rattachement à
Israël. Le 8 décembre 2008, peu avant la récente attaque de Gaza, les
ministres des Affaires Etrangères de l’UE décident de procéder au
rehaussement de l’accord d’association Israël-UE. Ce rehaussement aurait
conféré à Israël un statut quasi identique à celui des autres Etats de
l’Union. Le Parlement Européen, invoquant le blocus persistant de Gaza, vote
l’ajournement du rehaussement. Encore une fois, les gouvernements décident de
passer outre. Toutefois, l’attaque de Gaza les contraint à le différer en
invoquant, non pas l’attaque proprement dite, mais des raisons techniques et
une décision prise d’un commun accord avec Israël ! Voici donc le tableau : un Etat oppresseur, acharné à détruire
le moindre signe, le moindre symbole de l’identité du peuple qu’il
occupe ; les Etats les plus riches, les plus puissants de la planète le
soutiennent et lui décernent tous les brevets de respectabilité, de
démocratie, de morale…, pervertissant gravement ces idéaux aux yeux de
l’opinion mondiale. Ce tableau ressemble beaucoup à celui qu’offrait
l’Afrique du Sud avant la chute de l’apartheid, à ceci près que le soutien
occidental à ce pays prenait des chemins plus tortueux. Ainsi, pour
contourner l’embargo, les marchands de canons occidentaux avaient imaginé de
sous-traiter la construction d’avions à l’Afrique du Sud puisqu’on ne pouvait
pas les y exporter. La coopération militaire n’a jamais cessé. Sans l’appui
de l’Occident, jamais l’Afrique du Sud n’aurait pu constituer une armée aussi
forte. Elle le doit en particulier à la France, mais aussi aux Etats-Unis et
à… Israël. Pour briser ce cercle infernal, pour en finir avec le régime de
l’apartheid, pour surmonter la volonté des Etats occidentaux de le
pérenniser, il a fallu un élan énorme de l’opinion internationale. L’arme du
boycott n’a pas seulement mis à genoux le régime sud-africain. Elle a aussi
vaincu la puissance occidentale qui a dû se plier à la volonté des peuples. Cette volonté est présente aujourd’hui. Le monde entier est convaincu
de la justesse de la cause palestinienne. Le monde entier a identifié le bourreau
et la victime. Le monde entier est convaincu de la duplicité des Etats qui
soutiennent Israël, contribuant ainsi à la perpétuation de l’injustice faite
aux Palestiniens. La situation est mûre pour un appel à un boycott global et total, non seulement d’Israël mais des Etats, organisations, entreprises qui collaborent avec lui. Il ne s’agit plus d’appeler à ne boycotter que les produits qui seraient issus des colonies. Il s’agit de boycotter un Etat et ses complices pour en finir avec une injustice vieille de plusieurs décennies. Ce boycott aura la même issue heureuse qu’en Afrique du Sud. Il ne scellera pas seulement le retour à la paix. Il redonnera à la politique internationale un sens. Il redonnera leur lustre aux idéaux de justice, de démocratie, de pluralité sereine, idéaux qu’un discours à géométrie variable a tant galvaudés. Il enverra aux peuples de la Terre le signe fort de la possibilité d’un monde à hauteur d’homme. |