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Voir à Lacoste écarte une artiste palestinienne d’une compétition

+ (21 décembre) : L’organisation du prix Elysée-Lacoste est suspendue

LeMonde.fr Article paru dans l'édition du 27 décembre 2011

Accusé de censure, Lacoste supprime son soutien financier au prix Elysée-Lacoste

La marque de vêtements Lacoste a retiré son soutien financier au prix Elysée-Lacoste, qui récompense de jeunes photographes, après une semaine de polémique. L'objet du scandale : une jeune artiste palestinienne, Larissa Sansour, a été débarquée de la liste des finalistes, selon elle suite à la demande du sponsor Lacoste.

D'après les règles du prix Elysée-Lacoste, fondé en 2010 et doté de 25 000 euros, c'est le Musée suisse de l'Elysée qui établit la liste des huit finalistes. Ce musée réputé de Lausanne, spécialisé dans la photographie et financé par le canton de Vaud, avait créé ce prix en 2010 après l'arrivée de son nouveau directeur, le Français Sam Stourdzé. L'une des finalistes, Larissa Sansour, 38 ans, a grandi en Cisjordanie. Elle avait choisi de traiter le thème imposé, "La joie de vivre", sur un mode ironique : sur ses images, intitulées Nation Estate, on voit la population palestinienne installée dans un gratte-ciel. Sauf que, début décembre, avant même la tenue du jury, son nom a disparu de la liste des nominés. Joint au téléphone, l'assistant de l'artiste, Soren Lind, raconte : "Le directeur du musée l'a appelée pour lui dire que des gens de Lacoste trouvaient son travail trop propalestinien, et qu'ils avaient décidé de l'exclure."

Chez Lacoste, on dément totalement avoir écarté l'artiste pour des raisons politiques. "Nous regrettons les interprétations politiques qui ont été faites, affirment, par téléphone, les représentants de la société. Ce travail a été rejeté uniquement parce qu'il ne répondait pas au thème imposé, "La joie de vivre"." Soren Lind rejette l'argument : "Dès le départ, le musée avait encouragé les artistes à s'exprimer avec ironie et liberté. Et si vraiment ça ne rentrait pas dans le thème, pourquoi l'avoir nominée d'abord ? L'artiste n'a pas postulé, on est venu la chercher. Ça n'a aucun sens." Chez Lacoste, on assure qu'"il ne s'agit pas d'une censure", et que "la décision a été prise en commun avec le Musée de l'Elysée, dans le cadre d'une discussion permanente avec le musée, sur plusieurs mois."

"Compromis acceptable" ?

De son côté, le Musée de l'Elysée a attendu une semaine avant de prendre ses distances vis-à-vis de son sponsor. Le directeur, Sam Stourdzé, admet que"les règles du prix n'ont pas été respectées par une des parties", à savoir Lacoste, mais qu'il a tenu à "chercher un compromis acceptable par tous, afin de sauvegarder les acquis de l'édition précédente et le travail des sept autres photographes."

Il a ainsi proposé à Larissa Sansour d'exposer ses oeuvres hors du cadre du prix. L'artiste, qui avait d'abord accueilli la proposition favorablement, a renoncé. "Le musée l'a invitée à exposer, mais il a ensuite suggéré à Larissa de dire qu'elle renonçait au prix pour "poursuivre d'autres opportunités", s'étonne Soren Lind. Elle ne voyait pas pourquoi elle participerait à ce gros mensonge. Et elle ne voulait pas que l'exposition soit le prix à payer pour son silence."

Finalement, le 21 décembre, le musée et son sponsor ont coupé les ponts, les deux parties publiant un communiqué quasiment en même temps. La marque Lacoste y annonce qu'elle "met fin une fois pour toutes à sa participation à l'événement et au prix Elysée". De son côté, le musée annule le prix en raison de "la volonté du partenaire privé d'exclure Larissa Sansour" et assure l'artiste de son soutien "pour la qualité artistique de son travail et son engagement".

Pour autant, le directeur du musée ne condamne pas totalement le sponsor : "C'est une histoire désolante. Mais il s'agit d'un nouveau venu dans le mécénat de l'art. Etre partenaire est un long apprentissage."

Claire Guillot

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